L’idée d’une “politique culturelle” du cinéma, au sens fort du terme, n’a pas toujours été une évidence, ni pour l’État, ni pour les acteurs économiques du secteur. D’ailleurs, à certains moments de son histoire, cette “politique culturelle” est à proprement parler introuvable, indéfinissable... faute d’enjeux évidents ou d’absence de volontarisme politique pour la promouvoir. Dans ces périodes “creuses”, s’impose alors l’unique nécessité de défendre des acquis, de bien gérer les mécanismes d’aides, de peaufiner les rouages du système, mais sans “véritable perspective culturelle”. En fait, la
politique du cinéma est paradoxalement à la fois autonome dans ses mécanismes et ses orientations et contre-dépendante des orientations du ministère de la Culture. Serge Graziani montre bien que l’existence même d’un ministère de la Culture ne suffit pas à faire exister une “politique culturelle globale” et que, par exemple sous Lang, on assiste à une dilution de la politique globale du ministère dans une stratégie communicationnelle et un éparpillement dans “des” politiques culturelles sectorielles [1]. Notre article vise à interroger
l’histoire de la mise en place d’une politique
culturelle du cinéma au sein du déploiement de
l’intervention de l’État dans le secteur. Bien que le
cinéma soit une “industrie culturelle” et que la
nécessité d’une intervention permanente de l’État
pour soutenir l’industrie cinématographique ait
fini par être acceptée - et aujourd’hui ardemment
soutenue - par les professionnels, la légitimité
d’une prise en compte par l’État du pôle culturel
du cinéma ne va pas de soi.
Aujourd’hui, les grandes caractéristiques de la
“matrice” du modèle français d’intervention de
l’État sont les suivantes :
un système de soutien à l’industrie
cinématographique basé sur un mécanisme
financier autonome de transfert et de
redistribution fédérant les différentes professions
du cinéma ;
un instrument d’intervention : le Centre national
de cinématographie (CNC) ;
une volonté politique d’intervention commune
à tous les partis politiques qui marie les objectifs
industriels et les objectifs culturels ;
un combat commun contre les concurrents du
cinéma français, principalement le cinéma
américain et la télévision.
Pour autant, l’histoire de la mise en place de ce
modèle n’est pas un long fleuve tranquille. Tous
ces éléments n’apparaissent pas en même temps,
ni ne jouent le même rôle selon les périodes
historiques, notamment la légitimité d’une
politique culturelle ne va jamais de soi pour les
“professionnels” du cinéma. Joëlle Farchy décrit
les trois grands objectifs d’une politique culturelle
moderne des ministres de la Ve République [2] :
l’indépendance et le prestige de la culture
nationale par rapport à l’étranger (enjeu
identitaire), la diversité de la création (sans
soumission aux impératifs du marché et de la
rentabilisation à court terme) et l’élargissement
de l’accès à la culture (enjeu de la démocratisation).
On peut ajouter deux autres grands objectifs dans
le domaine du cinéma qui ont pris de plus en plus
d’importance ces vingt dernières années : d’une
part, la conservation et la diffusion du patrimoine
cinématographique et, d’autre part, les questions
de transmission et d’éducation de l’approche
artistique du cinéma. Notre article vise à retracer
les moments saillants de l’histoire de la relation
de l’État à l’industrie cinématographique française
en se focalisant sur la place de la culture dans la
politique des pouvoirs publics.
À la recherche d’une politique du cinéma :
1895-1939
D’abord attraction foraine, le cinéma devient
rapidement une véritable activité commerciale.
Deux grandes entreprises françaises, Pathé et
Gaumont, mettent la France au premier rang de
l’industrie cinématographique mondiale au début
de ce siècle. Dans les années 1910, le cinéma
français est le premier du monde en diversité, en
qualité et en quantité. Mais la Première Guerre
mondiale vient casser cette hégémonie au profit
du cinéma américain. La mise en place d’une
politique cinématographique ne se fait pas sans
aléas [3]. Elle nécessite en fait un double mouvement
sur fond de difficultés économiques de l’industrie
: d’une part, la définition par l’État d’un plan
d’intervention et la prise de décisions pour
l’appliquer et, d’autre part, la structuration de la
profession.
Les premières interventions de l’État
L’État n’intervient que modestement au cours des
premières années : par exemple, pour définir le
statut de la projection cinématographique,
délimiter le droit d’auteur ou établir des règles de
sécurité. Les pouvoirs publics agissent aussi dans
le domaine de la fiscalité. Différentes taxes
s’appliquent à la projection cinématographique :
un “droit des pauvres” (vieil impôt sur les
spectacles qui remonterait à l’année 1407), une
taxe d’État de 5% sur les spectacles, créée en
octobre 1914, et en 1920, une taxe municipale qui
oblige à conserver les tickets de contrôle. L’État
fixe également les modalités de la censure. Au
début, ces “spectacles de curiosité” n’étaient
soumis qu’à des autorisations municipales, mais
bientôt le ministère de l’Intérieur est amené à
intervenir. La réglementation se stabilise avec le
décret du 18 février 1928 fondant les deux grands
principes d’intervention : une commission de
contrôle paritaire (représentants de la profession
et fonctionnaires) et un avis de celle-ci permettant
la délivrance du visa d’exploitation qui vaut
autorisation de représentation sur tout le territoire
français.
L’organisation de la profession
Parallèlement aux premières interventions de l’État,
la profession se dote d’une organisation
structurée. Dès 1908, le Congrès international de
Paris rassemble les producteurs qui se mettent
notamment d’accord sur les conditions de vente
et de location des films. En 1912, est créée la
Chambre syndicale française de la
cinématographie dont le but est de représenter
l’industrie cinématographique auprès des
pouvoirs publics, mais les directeurs de salles ne
s’y affilient qu’en petit nombre. La revendication
principale de ces premières années porte sur la
réduction des taxes. En septembre 1936,
l’ensemble de la profession se rassemble dans la
Confédération générale du Cinéma qui regroupe
quatre chambres syndicales : industries
techniques, production, exploitation, distribution.
Dans les années 30, la profession est violemment
opposée aux projets gouvernementaux perçus
comme une ingérence inacceptable. Toutefois le
cinéma français confronté à des difficultés ne peut
se passer d’une politique plus affirmée de la part
des pouvoirs publics...
L’État à la recherche d’une structure spécifique
pour le cinéma
Différents ministères interviennent dans le secteur
cinématographique, notamment pour des
questions pédagogiques. Ainsi, dès 1912, le
ministère de l’Agriculture utilise le cinéma à des
fins de formation professionnelle. En 1921, le
ministère de l’Instruction publique crée la
Cinémathèque scolaire au Musée pédagogique.
Bientôt une coordination interministérielle
s’impose face à l’action dispersée et inefficace des
ministères.
L’apparition du parlant, en 1929, qui intervient en
pleine crise économique mondiale, perturbe
significativement l’économie du cinéma. Pour
remédier à cette situation, est créé en 1931 le
Conseil supérieur du cinématographe, organe
de liaison et de coordination entre l’industrie et
l’État, et entre les administrations elles-mêmes.
Mais, victime de sa lourdeur et tiraillé entre ses
diverses composantes, il ne peut mener une
véritable politique d’ensemble en faveur de
l’industrie cinématographique.
Aucune grande réforme n’est finalement
entreprise entre 1935 et 1939, notamment parce
que les professionnels s’opposent farouchement
à l’intrusion de l’État dans leurs affaires.
Cependant deux rapports importants vont poser
les jalons d’une action globale des pouvoirs
publics et préparer les mesures à venir.
En juin 1935, celui du député Petsche - commandé
par la Commission des Finances suite au dépôt
de bilan de la Gaumont-Franco-Film-Aubert -
propose principalement la création d’un “Fonds
national du cinéma”, organisme de financement
et de crédit ayant pour objet de procurer du crédit
à un taux normal aux producteurs et aux
exploitants de salles ; mais le projet de décret-loi
est abandonné sous la pression véhémente - une
fois de plus - des syndicats patronaux.
Le rapport de l’inspecteur des Finances Guy de
Carmoy, en juillet 1936, pour le Conseil National
Économique, basé sur une analyse détaillée de
l’industrie cinématographique, trace les contours
d’une organisation corporative unique, obligatoire
et dotée de pouvoir régalien. Bien que la nouvelle
majorité issue des élections législatives de 1936
ne donne pas suite à ces propositions, ce rapport
servira de base à de nombreuses mesures prises
par la suite, notamment par le régime de Vichy.
Le besoin d’organisation demeure et le ministre
de l’Éducation nationale, Jean Zay, tente de mettre
de l’ordre dans l’industrie du cinéma en présentant
au Conseil des ministres d’octobre 1937 un projet
de statut du cinéma. Un projet de loi doit être
présenté à la Chambre des députés en 1939, mais
il est abandonné avec la guerre. Les points
principaux portent sur l’assainissement de la
profession et l’organisation du crédit par des
mesures ayant notamment trait au nantissement
des créances ; à cet effet est envisagé un Registre
central de la cinématographie où sont déposés
tous les actes concernant la propriété ou
l’exploitation du film. La partie sur le contrôle des
recettes est disjointe du projet global et adoptée
par un décret du 29 juillet 1939. Jean Zay est
également à l’initiative de la création du Festival
international de Cannes, ajourné à la suite du
déclenchement de la seconde guerre mondiale.
La concrétisation “corporatiste” vichyssoise
Le régime de Vichy (1940-1944) a profondément
modifié l’organisation du cinéma et créé en
décembre 1940 le Comité d’organisation de
l’industrie cinématographique (COIC). C’est une
organisation typique du régime qui structure toute
l’industrie française à partir de comités
d’organisation professionnels par la loi générale
du 16 août 1940. Des embryons de cette
organisation se trouvent, en fait, dans les
conclusions du rapport de Carmoy et dans le
décret sur le contrôle des recettes, plusieurs
mesures s’inspirent des nombreuses propositions
émises avant-guerre, notamment par Jean Zay.
L’exercice de la profession est réglementé par
l’instauration de cartes d’identité professionnelle.
Un contrôle des recettes est institué. Courant 1941,
plusieurs lois sont adoptées : en particulier les
trois anciennes taxes sont supprimées au profit
d’un impôt unique sur les spectacles. La loi du 22
février 1944 crée le “Registre public de la
cinématographie”, souhaité depuis longtemps par
la profession. Début 1944 est également créé
l’Institut des hautes études cinématographiques
(IDHEC), réclamé depuis les années 1920 par le
metteur en scène Marcel l’Herbier.
Le moment “Vichy” des rapports des pouvoirs
publics au cinéma s’est traduit par la concrétisation
de nombreux projets élaborés avant la guerre, avec
toutefois une structuration “corporatiste” de la
profession. Le paradoxe de la période vichyssoise
est de mettre en œuvre des réformes modernisant
et assainissant l’industrie qui paraissaient nécessaires
aux gouvernements précédents mais qu’ils
n’avaient réussi à mettre en œuvre. Vichy est donc
le véritable premier acte d’une politique globale et
centralisée du cinéma. Toutefois l’ensemble de la
réflexion et des mesures prises ne prennent en
compte que très à la marge les questions
culturelles.
La création de l’instrument CNC pour une
politique industrielle
La transition entre deux époques et deux régimes,
dans le domaine cinématographique, est préparée
longtemps avant la Libération. Les plans d’une
nouvelle politique du cinéma s’élaborent au sein
du Comité de Libération du cinéma français. Il
s’agit tout d’abord de poser les bases d’une
organisation administrative obéissant à des
principes démocratiques et comportant un
système de concertation permanente avec la
profession. Le COIC se transforme d’abord en
Office professionnel du cinéma. Puis la loi du 25
octobre 1946 institue le Centre national de la
cinématographie (CNC) qui préside encore
aujourd’hui aux destinées du cinéma.
Établissement public à caractère administratif,
doté de la personnalité juridique et de l’autonomie
financière, son directeur général est nommé par
décret en Conseil des ministres. Il a un pouvoir
réglementaire et peut prononcer des sanctions
en cas d’infraction. Tout en étant, par certains
aspects, la prolongation du COIC, le CNC est
toutefois un nouvel instrument d’intervention de
l’État dans le cinéma, placé à l’origine sous la tutelle
du ministère de l’Information, puis rapidement en
1947 sous celle du ministère de l’Industrie, il est
dans une position paradoxale : à la fois outil
administratif au service de l’État et en partie
autonome, remplissant des fonctions d’un office
professionnel (ce n’est pas une direction d’un
ministère et les professions restent très présentes
dans les différentes instances du CNC).
Pour assainir le marché et favoriser l’essor du
cinéma français, le CNC prend en charge, dès 1947,
le contrôle des recettes de l’exploitation
cinématographique qui permet de garantir la
répartition de leur produit auprès des ayants droit.
Dès le début de l’année suivante, les autorisations
d’exercice de la profession sont instituées. Les
préoccupations essentielles du CNC ne sont alors
que d’ordre industriel [4].
L’acte majeur, qui va donner au CNC les moyens
de développer ses aides et sa légitimité face à la
profession, est la création de la “loi d’aide
temporaire à l’industrie cinématographique” [5] du
23 septembre 1948 qui instaure un mécanisme
constituant jusqu’à aujourd’hui la base du
financement du système d’aides à l’industrie du
cinéma : la taxe sur les billets alimente un compte
spécial d’aide temporaire qui permet l’attribution
d’un soutien automatique à la production et à
l’exploitation. Il faut souligner l’importance du
parti communiste dans les débats parlementaires.
Celui-ci dépose un amendement au projet du
gouvernement en proposant de taxer de 25 % les
recettes des films étrangers en France : ce sont
évidemment les films américains qui sont visés.
Cette proposition est rejetée notamment parce que
la France discute au même moment du
réaménagement des accords “Blum-Byrnes”. En
fait, sans le dire officiellement, par le bais de cette
nouvelle taxe, la France ponctionne quand même
les recettes des films américains au profit de
l’industrie cinématographique française ! Au fond,
ce mécanisme désigne en “creux” un “ennemi”
du cinéma français : la force impériale de la
cinématographie américaine.
Le CNC, par ce prélèvement sous forme de taxe
sur les tickets des salles de cinéma [6] , devient le
régulateur du circuit de l’argent, son
“ordonnateur”. Il s’agit bien de l’organisation de
la circulation de l’argent à travers une “épargne
forcée” et sa redistribution sous une forme
automatique de nature économique (dont les
règles et la répartition entre la production, la
distribution et l’exploitation sont élaborées en
concertation avec la profession) et, plus tard, avec
la mise en place de l’“avance sur recettes”, sous
une forme sélective de nature culturelle (dont les
décisions sont prises par des commissions
composées de professionnels).
Par ailleurs, le principe même de cette taxe produit
un double effet : il opère un mécanisme de transfert
des recettes du cinéma américain vers l’industrie
du cinéma français et il met les ressources
financières du CNC dans un circuit indépendant
du budget de l’État, soumis uniquement aux
performances du marché des salles. On retrouve
plus tard la reprise de ce principe pour la taxation
des ressources de la télévision et de la vidéo.
L’opération sous-jacente de ce mécanisme est de
faire payer ceux qui nuisent à la bonne santé du
cinéma français qui est la “victime”. De l’autre
côté de cette opération identitaire masquée, se
déroule en pleine lumière la polémique sur les
accords “Blum-Byrnes”.
Les accords “Blum-Byrnes”, moment
structurant de la construction identitaire de
la politique culturelle française
Ces accords conclus entre la France et les États-
Unis imposent un contingentement aux films
américains importés en France. Après plus d’un
an de négociation, ces accords sont signés le 28
mai 1946 à Washington par Léon Blum et James
Byrnes, ils ouvrent largement l’accès aux salles
en contrepartie d’une remise de dette et de
l’ouverture d’un nouveau crédit pour la France.
Mais ils suscitent une violente contestation des
milieux professionnels qui craignent un
envahissement des écrans français par les
productions américaines. Ces accords entrent en
application par le décret du 17 août 1946. La
mobilisation de la profession conduit à une
révision des accords “Blum-Byrnes” et à la
signature des accords de Paris du 16 septembre
1948. Le quota d’exploitation des films français
est porté de 4 à 5 semaines par trimestre.
Dans ce moment structurant du rapport du cinéma
français avec les États-Unis, se jouent toutes les
figures du conflit, y compris dans un cadre de
malentendus, voire de mauvaise foi, sur la véritable
signification des accords. Peu importe que ces
accords ne soient ultérieurement pas
véritablement appliqués. Pétitions, comités de
défense du cinéma français agitent la profession
et les milieux politiques, ils construisent ainsi une
image repoussoir du cinéma américain et
exacerbent la fibre patriotique. En contrecoup,
cette agitation va favoriser la création de la loi
d’aide de septembre 1948 (voir ci-dessus).
Au-delà des querelles et débats qui ont entouré
ces accords, se jouent là publiquement,
identitairement, la désignation d’un “ennemi”
pour le cinéma français : la puissance
hégémonique du cinéma américain. La mise en
avant de cet ennemi sera plusieurs fois l’occasion
pour les lobbies ou pour l’État de monter une mise
en scène destinée à promouvoir des avantages
ou à tout le moins à préserver des acquis d’une
politique de soutien. Construction identitaire qui
sera régulièrement réactivée au cours de l’histoire
par les lobbies ou par l’État pour obtenir de
nouveaux avantages ou préserver les acquis d’une
politique nationale de soutien.
Malraux, le fondateur de la dimension
“culturelle” de la politique du cinéma
Dans le rassemblement effectué par Malraux des
actions culturelles auparavant éparpillées dans
différents ministères, le cinéma est lui aussi l’objet
d’une opération de recomposition. Premier acte,
le rattachement en 1959 du CNC au ministère de la
Culture, précédemment sous la tutelle du ministère
de l’Industrie. Par là, il est signifié aux acteurs
économiques du secteur que c’est l’orientation
culturelle qui prend les commandes. Deuxième acte,
les mécanismes d’aide antérieurs ne sont pas remis
en cause, mais complétés par l’instauration de
deux grandes mesures qui marquent que l’État
français considère officiellement le cinéma comme
un art et pas simplement comme une industrie du
divertissement : la création de l’Avance sur
recettes et celle d’un soutien aux salles Art et Essai.
Par un décret du 16 juin 1959, le Fonds de
développement à l’industrie cinématographique
est remplacé par le Compte de soutien financier
de l’État à l’industrie cinématographique, alimenté
principalement par le produit de la taxe spéciale
additionnelle (TSA). Parallèlement au soutien
automatique de nature strictement économique,
une orientation plus culturelle se met en place et
des aides sélectives sont créées : les prix à la
qualité pour les courts métrages et, surtout une
aide qui deviendra la plus connue, l’avance sur
recettes pour les longs métrages. Celle-ci permet
d’attribuer une aide au vu de la qualité du projet,
elle doit être remboursée sur les recettes
ultérieures du film. Cette nouvelle aide est
fortement contestée par la profession qui a été
peu consultée lors de son élaboration. Les
représentants des producteurs sont hostiles à la
diminution du poids de l’automatique et
dénoncent le contrôle par l’État de ce nouveau
mécanisme.
On ne peut comprendre le “coup de force” de
Malraux sans prendre en compte la longue période
de débat au cours des années 50 sur l’insuffisante
“qualité” de la production cinématographique
française, période marquée par le rôle de revues
de cinéma comme Positif et notamment par
l’activisme des Cahiers du cinéma et de ses
“jeunes turcs”, dont François Truffaut qui, dans
un texte très célèbre de 1954, dénonce “Une
certaine tendance du cinéma français”.
Si les aides automatiques créées après la guerre
ont permis à la production cinématographique
française de retrouver une activité satisfaisante,
de nombreuses voix ont commencé à critiquer la
qualité de cette production. Sous l’impulsion de
Jacques Flaud (directeur du CNC de 1952 à 1959),
la question de la promotion de la qualité devient
un axe essentiel de la politique des pouvoirs
publics. Ainsi la transformation, en 1953, de la
“loi d’aide temporaire de 1948” en “Fonds de
développement à l’industrie cinématographique”
est l’occasion d’introduire quelques critères
qualitatifs. Lors des débats parlementaires, le
ministre de l’Industrie (qui à cette époque a la
tutelle du CNC) déclare notamment que “sur le
plan qualitatif, moral et culturel, l’effort n’a pas
été suffisamment encouragé. Il est clair que la
loi d’aide ne peut être reconduite dans sa forme
ancienne en ce qui concerne l’aide à la
production” [7] .
La dimension artistique n’est pas donnée d’emblée
au cinéma, elle est à conquérir en permanence.
Cette légitimation artistique du cinéma ne
s’imposera au cours des années 50 que par le travail
patient des ciné-clubs et le développement de la
cinéphilie. Cette activité de ciné-club est
officialisée par l’État en 1949 qui instaure une
habilitation : chaque ciné-club doit être affilié à
“l’une des associations ou fédérations nationales
ou régionales habilitées à diffuser la culture par le
film” (décret publié au J.O. du 23 septembre 1949).
Cette habilitation permet de recevoir des
subventions, mais d’un montant relativement
modique.
La cinéphilie ne passe pas uniquement par les
ciné-clubs. Certaines salles commerciales vont
également essayer de proposer une
programmation de “qualité”. Quelques salles
d’“avant-garde”, en nombre limité, ont existé avant
la Seconde Guerre mondiale, ensuite des salles
peu nombreuses se sont spécialisées dans l’action
culturelle et la diffusion de films “d’art, de
répertoire et d’essai”. Le 23 janvier 1950, le cinéma
Les Reflets à Paris est la première salle d’essai
patronnée par l’Association Française de la
Critique Cinématographique. Ce mouvement se
développe, dans un premier temps,
indépendamment de l’action des pouvoirs publics.
En 1955, est créée par cinq salles l’Association
Française des Cinémas d’Art et Essai (AFCAE).
Les pouvoirs publics se saisissent de cette
question, le CNC met en place en 1957 une
commission chargée de réfléchir à un soutien aux
salles art et essai. Après un long processus de
négociation et de concertation entre l’AFACE, le
CNC et différents ministères, les pouvoirs publics
instaurent par le décret du 17 novembre 1961 une
définition et un classement des salles art et essai.
Le 16 mars 1962, la première commission retient
49 salles art et essai. Le classement permet de
bénéficier d’avantages en matière de prix et de
fiscalité.
Par ces deux mesures fortes (introduction de la
sélectivité avec l’avance sur recettes et
institutionnalisation des salles art et essai), la
politique cinématographique prend un tournant
culturel décisif.
Malraux - Langlois, un traumatisme durable
Partie sombre de l’action du ministère de la Culture
dans le cinéma, le “fantôme de Langlois” hante
encore les esprits. Début 1968, Malraux tente de
remplacer Langlois, le fondateur, à la tête de la
Cinémathèque française. Cette tentative suscite
le tollé dans le monde du cinéma. Malraux doit
céder et Langlois reste président. Sans rentrer
dans les détails des raisons de l’État de proposer
ce remplacement, l’“affaire Langlois” a
durablement marqué symboliquement les rapports
de l’État avec la Cinémathèque, et plus
profondément la possibilité de mener une véritable
politique patrimoniale (de sa conservation à sa
diffusion). L’État n’a pu agir que modestement,
par exemple, en créant, en 1969, au sein du CNC
un service des archives pour remplir certaines
missions que la Cinémathèque française ne
pouvait remplir. C’est tout un pan de l’action
potentielle sur le plan culturel du ministère qui se
trouve en quelque sorte soumis à une censure.
D’un autre côté, cela instaure pour longtemps dans
les “représentations” de la profession l’idée que
l’État est le “méchant”, qu’il ne peut que vouloir
du “mal” à la Cinémathèque : le repoussoir
“étatisation” de l’institution. Résultat : le ministère
va manquer pendant longtemps dans le cinéma
d’une véritable institution culturelle comme dans
les autres domaines artistiques.
Lang, le retour d’une politique culturelle
Avec la nomination de Jack Lang au ministère de
la Culture en 1981, la politique du cinéma est à
nouveau fortement investie d’une dimension
culturelle. Alors que les “affaires culturelles” des
précédents gouvernements de droite n’étaient pas
mises en avant, le volontarisme langien va mettre
la culture au premier plan et en faire un véritable
enjeu politique. Dans cette réactivation d’une
politique culturelle du cinéma vont jouer, à
nouveau, tous les ressorts classiques : enjeux
identitaires, défense de la création face aux effets
mécaniques du marché, valorisation du patrimoine
et formation artistique.
En parallèle à cette résurgence culturelle,
l’ensemble du système de soutien au cinéma
connaît une profond réaménagement face aux
turbulences des années 80 pendant lesquelles
notamment la fréquentation des salles de cinéma
diminue d’un tiers, passant d’une moyenne de 180
millions d’entrées (années 70 et début des années
80) à environ 120 millions d’entrées à la fin des
années 80. Les principaux changements porteront
sur l’élargissement du champ d’intervention du
CNC au soutien à la production audiovisuelle et
l’instauration d’une taxe sur le chiffre d’affairedes
chaînesdetélévision,selonunmodèlecomparable
àlaTSA(TaxeSpécialeAdditionnelle)crééeen
septembre 1948. Ainsi la loi de finances pour
1984 élargit le compte de soutien géré par le CNC
en instaurant deux sections : la section I, intitulée
“Soutien financier de l’industrie cinématographique”
et la section II, intitulée “Soutien
financier de l’industriedes programmes
audiovisuels”. À cela, s’ajoute un nouveau
mécanisme d’incitation fiscale, opérationnel en
1986, pour favoriser l’investissement de l’épargne
dans la production à travers des Sociétés de
Financement de l’Industrie Cinématographique et
Audiovisuelle (Sofica). D’autres adaptations des
aides de moindre ampleur seront également
effectuées au coursdes années 80, comme des
aides aux salles de cinéma en difficulté. Du point
de vue culturel, quels ont été les éléments
marquants de cette période ?
Le retour - et l’extension à l’Europe - d’une
identité "nationale" du cinéma
Peu de temps après son arrivée au ministère, Jack
Lang refuse spectaculairement de se rendre au
festival de Deauville.Ce festival, qui se déroule
en septembre, centré sur le cinéma américain, est
notamment l’occasion de faire la promotion de
grosses productions hollywoodiennes qui
sortirontles mois suivants. Cette décision
symbolique du ministre est immédiatement perçue
comme une affirmation d’une défense du cinéma
français et de la volonté de renforcer les
mécanismes de soutien. Il ne s’agit d’ailleurs pas
d’une simple manifestation d’“humeur”à replacer pouvoir(gauche encore fortement marquée de
discours contre l’“impérialisme américain”).C’est
bien un axe fort de politique culturelle qui s’affirme
en faveur de lacréation “nationale” et de la
défense d’une identité culturelle.
Dans ce combat contre l’hégémonie américaine,
la France va tout faire pour rallier l’Europe à ses
thèses. Les pouvoirs publics ayant compris que
pour sauver le cinéma français, il fallait s’appuyer
sur les instances européennes. Ainsi, au cours
des années 80, les pouvoirs publics français ont
mis en place des quotas à la télévision en faveur
de la diffusion d’œuvres françaises (audiovisuelles
et cinématographiques) [8]. Ce mécanisme sera repris
dans le cadre de la directive “Télévisions sans
frontière” adoptée par la CEE en 1989. Cette
position politique est en outre maintenant
approuvée de gauche à droite comme la
négociation du GATT le montre.
À l’approche des négociations finales du GATT
(traité qui réglemente l’ensemble des échanges
mondiaux et qui est devenu depuis l’OMC),
l’audiovisuel est en passe de devoir se soumettre
aux règles du libre-échange ce qui aurait eu pour
conséquences un démantèlement des
mécanismes de soutien aux industries
cinématographiques et audiovisuelles nationales.
La résistance française engagée par la gauche
en 1992, poursuivie par la droite (revenue au
pouvoir) en 1993, permet d’obtenir à l’“arraché”,
sous la bannière de l’“exception culturelle”
(symbole inventé ces années-là), un nontraitement
des questions audiovisuelles dans le
cadre de ces négociations, ce qui permet à chaque
pays de continuer à organiser ses aides comme il
le souhaite.
Par ailleurs, l’affirmation du soutien à la création
se traduit également en France par des politiques
volontaristes à l’international. Par exemple, la
création d’un fonds d’aide aux coproductions avec
les pays de l’Europe de l’Est a vu le jour dans le
but de soutenir la réalisation de films à fortes
identités culturelles de réalisateurs originaires de
ces pays. Cette volonté de faire de la France le
pivot de la création européenne (étendue
également à d’autres pays à faibles ressources
par le bais d’un “fonds Sud”) est renforcée par un
mécanisme autonome d’“aides directes”, à la
discrétion du ministre. Par ce “fait du prince”, l’État
devient le grand mécène de grands artistesréalisateurs
qui n’arrivent pas à mener à bien leur
projet dans le cadre des mécanismes habituels de
soutien. France, terre d’accueil de tous les grands
artistes. Le cinéma est ainsi au service du
rayonnement culturel de la France à l’étranger.
L’identité nationale est ainsi promue sous ses deux
versants : intérieur par la défense de la création et
extérieur par le prestige de son influence
internationale.
Le cinéma français face à un "front intérieur" :
la télévision, ennemi majeur
Au combat identitaire contre l’hégémonie
américaine et pour la défense des artistes de tous
les pays, répond en interne un autre combat face
à un ennemi redoutable dans les années 80 : la
télévision et la multiplication des chaînes. Ce n’est
pas la première fois que l’industrie
cinématographique française est menacée par la
télévision. Déjà, dans les années 50 et 60,
l’équipement des ménages en postes de télévision
avait fortement fait chuté la fréquentation (de 400
millions d’entrées à 180 millions). À nouveau, la
multiplication des chaînes et l’accroissement des
films diffusés (de 500 films par an au début des
années 80 sur les chaînes généralistes à près de
1000 par an à la fin des années 80, sans compter
les plus de 400 films diffusés par Canal +) à faire
perdre aux salles de cinéma un tiers de leurs
entrées. Les lobbies du cinéma et le ministère de
la Culture vont contraindre les chaînes de
télévision à “payer leur dû”.
Sans rentrer dans le détail de toutes les mesures,
on peut indiquer que les télévisions ont été
contraintes de payer une taxe annuelle (sous forme
d’un pourcentage sur leur chiffre d’affaires) pour
alimenter le Compte de soutien géré par le CNC, à
devoir investir dans la production cinématographique
un montant déterminé (3% de leur
chiffre d’affaires de chaque année) et à subir un
encadrement très précis de la diffusion du film
(jours interdits, nombre maximum limité, quotas...).
Cette ligne politique, qui oblige les télévisions à
contribuer à l’essor du cinéma, a, de fait, sauver le
cinéma français, alors que, pendant la même
période, les autres pays européens, confrontés
au même phénomène d’expansion audiovisuelle,
n’ont pas su maintenir à flot leurs
cinématographies, l’exemple le plus flagrant étant
celui de l’Italie. En contrepartie, la production
cinématographique française est devenue
fortement dépendante financièrement - et en
partie sur le contenu des projets - de la télévision.
Les soubresauts récents de Canal + ont, par
exemple sérieusement inquiétés la profession.
L’enjeu de la formation artistique des jeunes
Si le cinéma a toujours été, plus ou moins, présent
au sein de l’école, le ministère de la Culture n’avait
jamais développé sa propre politique dans ce
domaine. Avec Jack Lang, les questions de
formation et de sensibilisation des jeunes à l’art
cinématographique sont devenues un des axes
majeurs de l’action des pouvoirs publics.
L’enseignement constitue le premier volet. Le
cinéma est entré officiellement à l’école avec la
création en 1984 des classes A3 en terminale au
lycée, appelées aujourd’hui “enseignements de
spécialité”. L’enseignement porte notamment sur
l’apprentissage des techniques de base, de
l’histoire du cinéma et de l’analyse des films. La
sensibilisation, de son côté, s’est fortement
développée ces dernières années avec des
opérations pilotées par le CNC en collaboration
avec l’Éducation nationale : “Collège au cinéma”,
“Lycéens au cinéma”, “École et cinéma”. Le
modèle de ces opérations a été “Collège au
cinéma” - organisé en concertation avec les
collectivités territoriales, les salles de cinéma et
l’Éducation nationale - qui propose de faire
étudier, avec les professeurs, des films vus en
salles pendant le temps scolaire.
Conjurer le “fantôme Langlois” ou la tentative
d’impulser une véritable politique du patrimoine
cinématographique
Autre axe culturel laissé en jachère par ses
prédécesseurs : le patrimoine et le rôle de la
Cinémathèque française. Le traumatisme de
l’“affaire Langlois” (voir plus haut) a bloqué
pendant longtemps toute initiative importante des
pouvoirs publics. Jack Lang essaie de reprendre
la main en initiant un vrai projet culturel dans ce
domaine. Cette tentative agit sur deux plans : d’une
part, en proposant une “sortie par le haut” avec
un grand projet de “Palais de l’image” au Palais
de Tokyo et, d’autre part, en favorisant un
renouvellement de la Cinémathèque.Le projet,
lancé au milieu des années 80, d’un Palais de
l’image avait pour objectif de rassembler en un
même lieu six institutions liées à l’image : la
Cinémathèque française, La fémis (école de
cinéma), la Centre National de la Photographie, la
mission du Patrimoine photographique, le Service
photographique de la Délégation aux arts
plastiques et un projet ambitieux de médiathèque
de l’image (la future BiFi). Cet ambitieux projet
avait été précédé d’une remise en ordre et
modernisation de la Cinémathèque sous
l’impulsion de Costa-Gavras devenu président de
l’association en 1982. Malheureusement les
nombreux changements politiques des années 90,
la complexité du projet, son coût et l’influence
“fantomatique de Langlois” ont fortement réduit
les ambitions du projet initial (aujourd’hui recentré
sur la Cinémathèque, le musée du cinéma et la
BiFi). Si le projet de déménagement de la
Cinémathèque à Bercy semble aujourd’hui en
bonne voie et la Cinémathèque un peu plus stable
dans son organisation, son statut maintenu
d’association [9] ne permet à l’État de disposer d’un
véritable établissement culturel comme dans
d’autres secteurs de la culture. Cela reste un
handicap pour formuler et mettre en œuvre une
politique ambitieuse de conservation, valorisation
et diffusion du patrimoine.
Au tournant du siècle : la dilution d’une
politique culturelle dans des objectifs
purement gestionnaires
Les grands enjeux culturels mis en avant pendant
la période langienne se sont affaiblis. Il s’agit
plutôt aujourd’hui de défendre des acquis. En
conséquence, le discours culturel devient plus
“mou”, moins politique.
Ainsi, comme on vient de le voir, la question du
patrimoine n’est plus envisagée du point de vue
d’un projet de politique culturelle, mais
uniquement comme la résolution d’un conflit avec
la Cinémathèque et l’adoption d’un “pacte” de
bonne entente.
De même, la disparition du terme d’“exception
culturelle” au profit de celui de “diversité
culturelle” n’est pas qu’une simple ruse pour
convaincre nos partenaires européens - plus ou
moins réticents - et les instances internationales
comme l’Unesco d’adopter une vision “positive”
en faveur de la création (sur la question le
l’exception culturelle, voir l’article de Joëlle Farchy
dans ce même numéro de Quaderni). C’est une
forme d’abandon d’une position politique - au
sens fort - au bénéfice d’une “vision”
diplomatique de la culture. En ce sens, cela veut
dire que c’est le ministère des Affaires étrangères
qui donne le “la” sur cette question et non plus le
ministère de la Culture. Par ailleurs, on peut
remarquer que ce terme de “diversité” connote
insidieusement avec celui de “diversité des
marchandises”. C’est finalement un déplacement
de l’enjeu, on passe du pôle de la culture (avec
l’affirmation derrière l’exception de l’enjeu de
l’irréductibilité de la création) au pôle de l’économie
(la circulation des toutes les “créations
marchandes”). D’une certaine façon, Jean-Marie
Messier n’avait pas tort lorsqu’il déclarait, à New
York en 2001, que “l’exception culturelle est
morte”. C’est bien la conséquence de l’adoption
de la notion diplomatique de la diversité culturelle.
Par ailleurs, on peut souligner que les
préoccupations économiques sont devenues les
dossiers prioritaires du ministère de la Culture qui
se trouve de fait contraint de réagir aux interrogations
formulées par les lobbies du cinéma. D’où
les projets de proposer de nouvelles sources de
financement ou de nouveaux mécanismes
financiers venant se rajouter à ceux existants
comme le “crédit d’impôt” ou le “Gap financing”
(sur ces questions voir les articles de Daniel
Sauvaget et de François Garçon dans ce même
numéro de Quaderni).
Pour conclure, on peut s’interroger sur la
possibilité actuelle de formuler des axes forts
d’une politique culturelle du cinéma (à défaut de
crise majeure). Il reste peut-être un objectif qu’une
volonté politique pourrait mettre en œuvre. Il
tourne autour des questions de mémoire, de
transmission, d’éducation... Cela imposerait,
d’une part, de reprendre la main sur les orientations
patrimoniales et d’intégrer la Cinémathèque dans
une politique globale et européenne et, d’autre
part, de réinvestir le terrain de l’école en proposant
un travail de sensibilisation, de formation,
d’éducation au regard artistique sur le cinéma et à
l’histoire des œuvres cinématographiques.